La transmission d’information claire, loyale et appropriée
Fondement de l’obligation d’information – Loi du 4 mars 2002 à l’article L.1111-2 du CSP
La décision à l’acte médical nécessite que le patient « soit bien informé afin de pouvoir se prendre en charge en pleine autonomie »[1]. Le patient ne peut en effet donner son consentement s’il n’est pas préalablement informé. Cette obligation a été consacrée par la loi du 4 mars 2002 à l’article L.1111-2 du Code de la santé publique (CSP) qui dispose que « toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé ». Les fondements de l’obligation d’information sont aussi d’ordre déontologique. L’article R. 4127-35 CSP notamment affirme que « le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état de santé, les investigations et les soins qu’il lui propose. Tout au long de la maladie il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension ».
[1] Rapport de l’Assemblée national n°3258, Projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé, 5 septembre 2001.
Forme de la délivrance d’information – Alinéa 3 de l’article L.1111-2 CSP
L’alinéa 3 de l’article L.1111-2 CSP indique que l’information doit être délivrée lors d’un entretien individuel, de manière orale et adaptée en fonction de la compréhension du patient. La Haute autorité de santé (HAS) a émis des recommandations en mai 2012[1] et précise notamment que « l’information, qui est toujours orale est primordiale » et que « la délivrance d’information requiert du tact, du temps et de la disponibilité ».
[1] HAS, Recommandations de bonnes pratiques : délivrance de l’information à la personne sur son état de santé, mai 2012, point 2.1 : l’entretien individuel
Contenu de l’information – Article L.1111-2 CSP
L’article L.1111-2 CSP détaille l’ensemble du contenu de l’information délivrée par le médecin au patient à savoir « les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisible en cas de refus ». La jurisprudence[1] a également précisé que le praticien n’est pas dispensé de cette obligation par le seul fait que les risques ne se réalisent qu’exceptionnellement[2]. L’information est également étendue par la loi aux suites de l’acte, notamment si des risques nouveaux sont identifiés ou aux évènements indésirables survenus. (ex : prothèses mammaire défectueuses).
[1] Cass.civ 1re, 7 octobre 1998 et CE Ass., 5 janvier 2000 Consorts Telle, n°181899
[2] Cass.civ.1re, 18 juillet 2000, Bull, I, n°227, p.149 et CE, 28 5 janv.2000, JCP, 2000, 10271 ; note J. Moreau
Trois exceptions
Trois limites sont prévues par le législateur au devoir d’information : l’urgence, l’impossibilité d’informer et le refus du patient d’être informé sauf si des tiers sont exposés à un risque de transmission (exemple du VIH
Moyens de preuve
En cas de litige, il appartient au professionnel de santé d’apporter la preuve de la bonne délivrance de l’information. La preuve peut être apportée par tout moyen. C’est pourquoi il est conseillé d’inscrire dans le dossier médical que le patient a bien reçu l’information adéquate afin de se préconstituer une preuve. La remise au patient de fiches ou documents d’information ne constitue pas au sens de la jurisprudence, une preuve suffisante.
La Haute autorité de santé1 a également souligné que « le document est exclusivement destiné à donner à la personne des renseignements par écrit. Ce document n’a pas à être signé par la personne et ne contient aucune formule l’invitant à y apposer une signature ». Les juges vont apprécier cette délivrance d’information grâce à la preuve des entretiens individuels, leur fréquence, les réponses éventuelles du patient notées dans le dossier médical, l’apport de témoignages de l’équipe de soins
[1] HAS, Recommandations de bonnes pratiques : délivrance de l’information à la personne sur son état de santé, mai 2012, point 2.4 : « l’usage de documents écrits », www.has.fr
Exemple jurisprudentiel – Cour d’appel de Montpellier
A la suite de plusieurs accouchements, une patiente de 52 ans décide de consulter un chirurgien esthétique pour subir une chirurgie plastique abdominale. Après deux entretiens, elle signe un document contenant un devis et lui rappelant l’information délivrée lors des entretiens précédents. Quelques semaines plus tard, la patiente se fait opérer. A la suite de l’intervention des complications apparaissent au niveau de la cicatrice. Le médecin lui propose alors des traitements locaux, des consultations régulières et peut être une intervention de reprise de la cicatrice avec un traitement au laser. La patiente lui a fait part plusieurs fois de son mécontentement faisant valoir l’aspect disgracieux et la position de la cicatrice qui devait se situer plus bas. Parallèlement à sa convalescence, la patiente est victime d’un grave syndrome dépressif et tente par deux fois de mettre à sa vie. Elle décide d’engager la responsabilité du médecin pour manquement à son devoir d’information. La cour d’appel de Montpellier dans un arrêt du 1 décembre 2010[1] affirme que « le seul document produit daté du 3 septembre 2002 est signé par l’intimé le 9 septembre 2002 comporte un devis simplifié des honoraires facturés et une liste d’indications d’ordre général que le praticien rappelle avoir exposées à sa patiente lors de consultation préalable. Ce document ne saurait établir que le Docteur Z a entièrement satisfait à son obligation d’information et de conseil adaptée au cas de sa patiente, étant rappelé que l’information doit être complète et loyale et doit se faire in concreto et non in abstracto »
[1] Cour d’appel de Montpellier, 1 chambre section D, 1er décembre 2010, n°10/01401
Le recueil du consentement libre et éclairé
Fondement du droit au consentement – Textes juridiques
Depuis le célèbre arrêt Teyssier[1] de 1942 « le médecin est tenu, sauf cas de force majeure, d’obtenir le consentement du malade avant de pratiquer une opération ». Le Code civil également affirme à l’article 16-3 que « le consentement de l’intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n’est pas à même de consentir ». La jurisprudence a par la suite affiné la notion de consentement en affirmant notamment dans un arrêt important du 3 juin 2010[2] que « toute personne a le droit d’être informée, préalablement aux investigations, traitements ou actions de prévention proposées, des risques inhérents à ceux-ci, et que son consentement doit être recueilli par le praticien, hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle elle n’est pas à même de consentir ». Ainsi le praticien doit faire part des préconisations au patient et le conseiller dans son choix thérapeutique tout en respectant la volonté définitive du patient. Le code de déontologie médicale à l’article R.4127-36 CSP affirme également que « le consentement de la personne examinée ou soignée doit être recherché dans tous les cas ». De plus, le consentement doit être réitéré pour chaque étape de la stratégie thérapeutique au fur à et mesure de la prise en charge. A contrario, le praticien doit s’abstenir de donner de soins si le patient refuse de donner son consentement.
[1] Cass. Ch. Req, Arrêt Teyssier, 28 janvier 1942,
[2] Cass. Civ. 1re, 3 juin 2010, n° 09-13.591
Cas du refus de soins – Article L.1111-4 CSP
Le législateur a expressément prévu à l’article L.1111-4 CSP que « toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement. Le suivi du malade reste cependant assuré par le médecin, notamment son accompagnement palliatif. Le médecin a l’obligation de respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité. Si, par sa volonté de refuser ou d’interrompre tout traitement, la personne met sa vie en danger, elle doit réitérer sa décision dans un délai raisonnable. Elle peut faire appel à un autre membre du corps médical. L’ensemble de la procédure est inscrite dans le dossier médical du patient ».
Formalisme du consentement
Aucune formalité particulière n’est exigée pour la validité du consentement. Dans la plupart des cas, le patient donnera son consentement verbalement, directement au praticien et sera réitéré à chaque étape thérapeutique. Il peut être révoqué à tout moment. La rédaction d’un écrit ou formulaire de consentement n’est pas prévue par la loi ni par la HAS. En revanche, les textes n’excluent pas la possibilité de cet écrit notamment afin que le professionnel de santé se préconstitue une preuve en cas de litige. Seulement cet écrit n’est « ni nécessaire ni suffisant »[1] et n’est pas exonératoire de responsabilité.
[1] CAA Marseille, 13 février 2014, n°11MA02696
Exemple jurisprudentiel – Cour d’appel d’Aix-en-Provence
Un patient souffre d’une maladie de Lapeyronie. Son urologue lui propose une intervention chirurgicale qu’il accepte. Des complications conduisent le patient à se faire réopérer une seconde fois mais les douleurs persistent. Le patient consulte alors divers spécialistes et assigne le praticien en lui reprochant un manquement à son devoir d’information et à son obligation de conseil sur les conséquences de l’intervention. Le praticien, pour se défendre, apporte aux débats un document intitulé « consentement éclairé mutuel en chirurgie » signé par le patient. La cour d’appel d’Aix-en-Provence[1] considère que ce document n’aurait été remis que « lors de la visite de pré-anesthésie dans le cadre de l’information donnée sur celle-ci et de l’interrogatoire préalable à l’opération, hors la présence chirurgien. » Elle souligne que « ce document est dès lors insuffisant à constituer une preuve » que le praticien avait expliqué les risques de l’intervention.
[1] Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 10e chambre, 27 juin 2012, n°10/14091
Cas particulier de l’enfant mineur
Par principe, le consentement aux soins doit être donné par les titulaires de l’autorité parentale. Pour l’ensemble des actes usuels, de la vie courante (blessures superficielles, poursuite de soins courants), le consentement d’un seul parent suffit. En revanche pour les actes graves (chirurgie, recherches biomédicales) le consentement des deux parents est indispensable. Le praticien a toutefois l’obligation de recherche le consentement du mineur s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision[1]. De la même manière il doit recevoir une information adaptée à son degré de maturité.
Cependant, si le mineur souhaite conserver le secret sur son état de santé (exemple cas de l’IVG, VIH etc. ), le médecin peut délivrer les soins nécessaires à la sauvegarde de la santé de personne mineure, après avoir tenté de la convaincre de consulter ses représentants légaux, en se dispensant d’obtenir le consentement des titulaires de l’autorité parentale. Dans ce cas, le mineur doit être accompagné par une personne majeure de son choix (par exemple le père de l’enfant).[2]
Ce secret s’étend, si le mineur le souhaite, à l’accès aux informations concernant son état de santé. [3] Le médecin doit faire mention dans le dossier médical de cette opposition.
[1] L.1111-4 alinéa 6 CSP
[2] L.1111-5 CSP
[3] R.1111-6 CSP
Le consentement dans le cadre de l’équipe de soins
La définition de l’équipe de soins – Article L.1111-10 CSP
La loi de modernisation de notre système de santé définit à l’article L.1111-10 CSP la notion d’équipe de soins comme « un ensemble de professionnels qui participent directement au profit d’un même patient à la réalisation d’un acte ». Anciennement exclusivement composée de professionnels de santé, cette définition s’est adaptée aux évolutions de la pratique en supprimant cette distinction. L’équipe s’est donc enrichie de l’ensemble des professionnels participant à la prise en charge du patient comme par exemple une psychologue, une assistante sociale, un éducateur ou encore une secrétaire médicale.
Les conditions du secret partagé – Les informations et l’information du patient
Un professionnel de santé peut échanger et partager des informations médicales avec un non-professionnel de santé sans recueillir le consentement de la personne. Ces informations sont réputées confiées à l’ensemble de l’équipe.
En revanche, ces informations sont limitées à celles qui sont strictement nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins, à la prévention ou au suivi médico-social et social de la personne. Egalement le patient doit être préalablement informé d’une part de la nature des informations devant faire l’objet de l’échange ou partage, d’autre part, soit de l’identité du professionnel membre de l’équipe de soins et de la catégorie dont il relève, soit de sa qualité au sein d’une structure précisément définie[1].
[1] R.1110-3 II CSP
L’obligation de collaboration du patient – Ne pas dissimuler des informations définies
Cette obligation consiste à suivre les conseils, prescriptions de son médecin et à ne pas dissimuler des informations importantes à sa prise en charge, faute de quoi il ne pourra pas, dans certain cas, voir la responsabilité du praticien engagée.
Pour exemple – Cour de Cassation
Dans une célèbre affaire jugée par la Cour de cassation en janvier 2011, une mère hospitalisée à l’hôpital Saint-Joseph à Marseille a donné naissance à sa fille. La séropositivité de la fillette a été révélée quelques mois après sa naissance et résultait d’une contamination provenant de la mère. Les parents ont alors engagé la responsabilité du médecin et de l’hôpital en rapprochant respectivement de ne pas l’avoir informée du risque de contamination et de ne pas avoir effectué de test. Les juges ont débouté les parents de leur demande en affirmant qu’à la date de naissance de l’enfant (1998), le dépistage n’était pas obligatoire et que la patiente avait dissimulé son état de santé. En effet, il appartenait à la mère suivie depuis plus de cinq ans en raison de sa séropositivité de ne pas dissimuler au gynécologue sa maladie. Elle avait déclaré sur les renseignements médicaux contenus dans son dossier médical, un mois avant l’accouchement, qu’elle ne souffrait pas du HIV.